Description
C’est avec toujours autant d’humour, qui n’exclut pas un
certain sens du tragique, que Julien Blaine poursuit sans relâche
ses obsessions et sa quête poétique d’une parole des origines,
libérée du joug tyrannique des monothéismes, d’où son intérêt
pour l’art et les cultures paléolithiques ou chamaniques, d’une
parole également libérée du corset de la syntaxe (il jette les
premières pierres d’une poésie où la ponctuation, la typographie
ont comme pris leur indépendance) et de l’opposition stérile
parole / geste.
Comme de juste, chez Julien Blaine et dans un certain nombre
d’auteurs d’avant-garde, le livre est autant l’accomplissement
que la recherche en elle-même, l’aventure d’un(e) geste
poétique, avec ses tâtonnements, ses errances et la vie même
du corps qui s’y jette. D’où cette question qui surgit à l’entrée
de la vieillesse : que faire lorsque le corps d’éternelle jeunesse
de l’avant-garde a vieilli ? Julien Blaine se met à nu dans ses
maladies, ses ecchymoses – comme avec ce cruel « Journal
de Madame Ménière », du nom de la maladie de Ménière
dont il se découvre atteint, qui note l’évolution au jour le jour
des symptômes.
Et du corps à la politique, aux idéaux, il n’y a qu’un pas :
Julien Blaine dresse le bilan de 68, de ces corps qui s’y
sont débattus, qui ont vieilli, ont trépassé pour certains,
ou ont trahi leur jeunesse pour d’autres.
À toutes ces inquiétudes, Julien Blaine oppose une
fidélité à son maître-mot : liberté, liberté, liberté : le livre
s’achève sur la traduction des Quatrains d’Omar Khayyam, ce
fameux poéte persan des xi et xiie siècles, qui offre l’exemple
magnifique d’une attitude sans concession face aux pouvoirs
et aux religions de son temps, pour jouir avec ivresse des
beautés de la vie.